Vite
Pas marcher dans le bonheur
Que les chiens ont lâché sur le trottoir
Seulement sur les traits
Et elle aura dix à sa dictée
Elle a rongé le nœud au mouchoir
Qu’on en pleure d’oublier les leçons
Que le quatre heures de la veille rassit entre les lignes
La maîtresse est une peau de vache
Elle l’écrit dans sa tête
Croise le bois croise le fer
Ses mollets maigrelets font plisser de rire ses socquettes.
© Camille Pioz 130319
Elles ont mis leur cœur gros ensemble
Accroché aux troènes du parc
Pour attendre leur chat
La petite et sa mère
Ça fait un ballon gris
Parce que la toux de la petite docteur a dit le chat s’en séparer
Etoupes de fumées dans les logements lilliputiens
Du temps où
A la radio Be-bop et Cha-cha-Cha
Le chat
L’attendre
Depuis que dans les bosquets du parc
Mince comme un panier à œuf.
© Camille Pioz 130321
Notes aigrelettes crie le contrôleur
Et repartons
Sur la plate-forme du cinquante-six
Le vent de la rue fait des affaires
A plein soleil
Dans nos sillages brassent les pigeons
Ma mère au bastingage dans sa robe toute nylon
Ribambelles en boulevards
Mon bon monsieur z’aurez l’suivant
Y a ma p’tite dame qui veut s’asseoir
S’éventaille la chanson des tickets
Que le contrôleur déroule de son petit limonaire
Et tangue l’autobus
Et nous
Ma mère elle tient le cap en bouquet d'hortensia.
© Camille Pioz 130324
Cette place est vide
Le temps alors se dilate en espace insondable
Impavide
Se disloque s’éparpille
En particules inutiles
Que seul régit le pendule de notre métronome
Ce battement
Qu’en faire?
Le précédent
Qu’en ai-je fait ?
Cette place est vide
Ne compte plus alors que l’attente de lui
Le regret de celle qui
Le temps
Est cette étendue lisse
Blanche sous nos pas
D’où s’est évanouie toute sensation de soi.
© Camille Pioz 130402
Vos doigts
J’ai arraché
Vos yeux
J’ai déchiré
On ne peut pas tout garder
Il faut bien se faire de la place
Je redoute le passé qui m’incombe
Il m’apparaît griffé d’irréparables
Avec l’avenir au moins
On peut se promettre
Irréprochable.
© Camille Pioz 130414
Si c’était ça
Si c’était
Comme l’encre sans firmament
Sans rivage sans ressac
Sans rien qui pique poussière ou vent
Rien que la conscience d’avoir été
La conscience d’être
Sans faim sans froid sans pulsations
Sans douleur sans espoir
Pas un bruit
Que la conscience
La conscience d’être conscient
De l’immobilité
L’immobilité de
L’encre sans firmament
Si c’était ça
La mort
Locked In Syndrome parfait
Incessant
Alors
Les couleurs les sons les formes les frémissements
Les voix les senteurs les rires les éclats les cris
Les mots
Les inventés
A se passer se passer se passer se passer
se passer
© Camille Pioz 130505
Apprendre
Me
Moi
Reconstituer
Qui sont
Je
Sous les oripeaux
Tant combien
De temps
Pour trouver
Je
Me
Avec vivre
Restent
Et le manteau de fausses peaux rejeté
Laver sa chair intérieure de toute assignation.
© Camille Pioz 130512
Pas un mot, pas un geste, pas un pas vers eux
J’ai préféré les installer à l’étage des souvenirs
Et clore derrière eux mes pensées à vous
L’hémorragie cessera
Qu’affronter leurs mornes actualités
Je suis trop lâche pour les absoudre
J’ai préféré la ruse de l’indifférence.
© Camille Pioz 130513
Nous tapisserons nos ventres
De toutes ces choses qui disent l’âge frêle
Le fragile tendu vers nous accroché à notre regard
Souplesses en coton
Rondeurs pataudes enveloppées de pastel
Chauds palpitants
Trames des liens et des bouleversements au balancier du quotidien
Qui nous ont faites mères
Nous tapisserons nos ventres
Vasques asséchées
Avec la passion muette que l’on doit aux plaies vives
Devant l’ insaisissable.
© Camille Pioz 130521
Nous faisons corps
C’est la condition de ta survie mémorielle
Où je suis je te porte
Filigrane
Consolateur de mon incompressible chagrin
Qui vaques à l’ombre de tes frères
Ils grandissent
Toi aussi
Si leur voix s’est faite grave leur chevelure plus sombre
Je façonne tes métamorphoses
Au fil de ces transformations
Par mon imaginaire
Je raye la fin de ton histoire
Et te poursuis en moi
Et nous berce.
© Camille Pioz 130602
